Le Soundflyer

De l’idée du pilotage des aveugles
à la réalisation du dispositif

 

 

Aujourd’hui, on a tendance à penser que sans lui, rien ne serait possible.

Pourtant, les «  Mirauds » ont volé bien avant SOUNDFLYER !…

 

Unité secondaire  du soundflyer installée, en vol : sur un fond de nuage, deux mains manient les commandes, devant le tableau de bord

La Méthode « à la voix »

La genèse

Pendant de nombreuses heures de vol dans le ciel aucitin, Éric VANROYEN (instructeur de vol et membre fondateur de notre association) et Patrice RADIGUET, (président fondateur), ont mis au point la méthode de guidage « à la voix », méthode qui permet à l’instructeur de vol de communiquer à son élève handicapé de la vue l’essentiel des informations de vol et de navigation. Ainsi, de 1998 au printemps 2004, les différents stages organisés par l’association « LES MIRAUDS VOLANTS » ont permis de valider et de perfectionner cette façon de piloter.

De quoi s’agit-il ?

Dans un souci d’efficacité et de rapidité de communication entre l’instructeur et son élève, nous avons été amenés à codifier, mais surtout à hiérarchiser par degré de pertinence, les paramètres transmis ; ils sont de trois niveaux. L’élève pilote handicapé de la vue bénéficiait ainsi d’un maximum de données, lui permettant une certaine autonomie à bord.

Dans le cockpit avec un miraud aux commandes

Assiette et inclinaison

Communiqué en permanence : il s’agit des informations concernant l’attitude de l’avion, c’est-à-dire son assiette (montée, descente), et son inclinaison latérale (virage).

    • L’assiette s’énonce par l’information plus : « assiette à cabrer), ou moins : « assiette à piquer », ensuite quantifiée en termes de degrés par rapport à l’horizon. L’instructeur énoncera donc cette assiette en : +5 ou -10, selon l’attitude de l’aéronef.

    • Pour ce qui est de l’inclinaison, elle se caractérise par son côté : « droit ou gauche », et est quantifiée en termes de degrés par rapport à l’horizontale des ailes. On aura ainsi : « droite 10 », ou « gauche 15 »…

Informations de vol

Altitude(s) d’évolution, route suivi, variomètre (vitesse verfticale).

Ici, Patrice est aux commandes de l'avion. Depuis la cabine, le paysage, tout en ciel et verdure, atteste en arrière-plan d'une météo idyllique

Radio,

Navigation,

Radionavigation

Ce troisième niveau concerne la radio, les paramètres moteur, la situation par rapport à des repères extérieurs (villes, routes, voies ferrées, etc) et, éventuellement (pour ceux d’entre nous qui les utilisent) les paramètres de radionavigation.

La philosophie du système

L’accès au pilotage des personnes aveugles ou fortement mal voyantes était désormais possible grâce à une assistance humaine. Tant que la sécurité du vol n’est pas en jeu, l’instructeur de vol qui réalise cet accompagnement transmet vocalement au pilote handicapé de la vue, les informations visuelles au plus près de ce qu’un pilote bien voyant peut les appréhender avec ses yeux. Ainsi informé et le vol ayant été préparé, l’élève est alors à même de rectifier une trajectoire ou de prendre la décision qui s’impose en matière de navigation. En aucun cas le pilote assistant ne procède par injonctions du type : « fais ceci ou cela », mais « ton avion est dans telle configuration ».

Un Miraud volant et son instructeur avant le décollage à Nogaro

Voler à l’oreille

En vol, le simple bruit produit par le défilement de l’air sur la cellule d’un aéronef (c’est notamment le cas lors d’un vol en planeur), est de nature à renseigner le pilote sur sa vitesse bien sûr, (quoi qu’avec un certain décalage dans le temps), mais aussi sur des détails beaucoup plus subtils du vol, sa dissymétrie par exemple). Lorsqu’on a l’habitude de voler sur un avion donné, simplement à l’oreille, le pilote attentif est capable de régler la puissance de son moteur à une centaine de tours/minute près (cela étant valable même pour les pilotes valides).

Cependant, valide ou porteur d’un handicap, nul n’est à l’abri d’une illusion sensorielle. C’est pourquoi, à fortiori lorsque ce phénomène ne peut être ni confirmé ni infirmé par l’un des autres sens valides, il est indispensable de n’accorder son crédit qu’à des informations objectives et contrôlables.

Soundflyer : « dispositif sonore et vocal de conduite de vol pour personnes handicapées de la vue ».

Naissance du projet

Cela m’est tombé au bout du téléphone, un après-midi pluvieux du mois de novembre 2002. Au bout du fil, mon interlocuteur me tint à peu près ce langage : « Voilà. Nous sommes un petit groupe d’ingénieurs de l’entrepris THALES, et nous suivons une promotion cadre. Pour ce faire, nous devons concevoir et réaliser un projet innovant, et nous sommes allés sur votre site internet. Dites moi, c’est formidable ce que vous faites… Est-ce qu’on pourrait faire quelque-chose pour vous ? »

L'équipe

Or, dans nos moments de délire et d’espoirs les plus fous, du genre « quand nous serons grands et que nous serons riches »… nous avions jeté quelques idées sur un fichier d’un coin de mon disque dur. J’en fis part à mon interlocuteur. « Envoyez-moi ça », me répondit-il, « ca constituera un début de cahier des charges ».

C’était parti !…

02. Tour ULM 2003, soundFlyer dans le Bingo

Pendant 9 mois, Pierre, Isabelle, Joël, Caroline, François, Philippe, Benoît, Patrick et Éric, chacun et chacune selon sa compétence technique, ont planché sur la réalisation d’un véritable tableau de bord sonore et vocal à l’intention des pilotes aveugles et malvoyants. Ainsi, le dimanche 3 août 2003, je m’envolais avec le précieux prototype pour lui faire subir son premier vrai test « grandeur nature » sur le Tour « de France » ULM.

Une semaine de vol dans les conditions les plus diverses, et souvent, pour qui se rappelle de l’été 2003, par des températures caniculaires. L’épreuve fut pleinement concluante, et SOUNDFLYER se montra à la hauteur de l’espoir que nous avions placé en lui.

Une autre philosophie?

Celle-ci s’est voulue assez identique à ce que nous avions élaboré, avec Éric, au travers de la « méthode à la voix ». Si nous avions confié à une « machine » la capacité de nous communiquer les informations nécessaires au vol, l’esprit était identique. Le SOUNDFLYER devait nous informer sur l’attitude de notre aéronef et ses conditions de vol, et non nous guider en nous communiquant les corrections à apporter pour rejoindre un « vol idéal » défini à l’avance.

Soundflyer étalé sur la table

Mais l’emploi de ce nouvel outil d’assistance au pilotage avait introduit une différence majeure dans notre rapport aux informations, c’était qu’à présent, toutes étaient disponibles. Il nous fallut donc apprendre laquelle interroger, et à quel moment ; ce fut là mon second challenge du Tour ULM 2003.

Un Simulateur de vol

Dès lors, il nous fallut bien envisager d’enseigner ce nouvel outil à nos apprentis pilotes. Des heures de vol « gaspillées » à comprendre que « ti-ti » signifie ceci, et «  ta-ta » cela n’étaient en aucun cas envisageable, principalement étant donné le coût de celles-ci.

A cette fin, en s’appuyant sur le logiciel Flight Simulator, l’équipe des ingénieurs de chez THALES avait conçu un simulateur de vol qui contenait dans une male d’environ quarante kilos, et pour lequel il fallait bien trente à quarante minutes de montage.

04. Simulateur SoundFlyer SF-1
05. Aurélie, simulateur SF-1, 08.07.2003

Mais qu’importe. Malgré son encombrement et sa complexité de manipulation, ce premier simulateur de vol Soundflyer permit à nombre d’entre nous de nous familiariser avec les diverses sonorités du dispositif, mais aussi de pouvoir présenter cette innovation sur des salons et en bien d’autres lieux afin de le faire connaître, et de nous faire connaître.

C’est à coup sûr depuis cette époque que le nom des Mirauds Volants et celui du Soundflyer devinrent indissociables.

Soundflyer, première version (SF-1)

Le SF-1, en service dans notre association depuis juillet 2004, est un véritable tableau de bord sonore et vocal. Il nous communique, directement dans notre casque de pilote, l’essentiel des informations de vol et de navigation. Ainsi, il a considérablement accru notre autonomie à bord, même si dans les conditions actuelles, nous ne pouvons toujours pas être seuls aux commandes.

06. soundFlyer SF-1 dans le PA-32

 

 

Ce système, encore actuellement unique au monde, fait intervenir deux modes d’informations auditives :

Des notes de musique

Assiette et inclinaison :

Grâce à ces « notes de musique », Soundflyer nous transmet  les informations d’« attitude » de l’avion : assiette et inclinaison, un peu à la manière d’un horizon artificiel sonore.

>Lorsque les « notes » évoluent vers l’aigu, l’assiette augmente, lorsqu’elles descendent dans les graves, l’assiette diminue.

>Lorsque l’aéronef s’incline, la note passe tout d’abord dans l’oreille du côté du virage, un système codifié de « bips » permet de quantifier cette inclinaison.

Une voix de synthèse

À l’aide d’un clavier, possibilité d’interroger, par cette voix synthétique :

>Informations de vol : vitesse (sol), vitesse verticale (variomètre), route suivie et route à suivre, grâce au GPS intégré au dispositif.

>Navigation : la distance ou le temps de vol au prochain point tournant (goto).

07. SoundFlyer SF-1, le clavier

Radio et radionavigation

Ces informations s’affichant sur des écrans à cristaux liquides propres aux instruments de bord de l’aéronef nous restent inaccessibles. Elles seront donc, en temps utile, manipulées par notre instructeur ; de même pour le contrôle des paramètres moteur.

Là est la limite d’un dispositif « nomade », équipant le pilote et non l’aéronef. Son avantage est de ne pas obliger à une (re)certification de l’avion, opération longue et coûteuse. Son inconvénient est, sur nos petites machines d’aéro-club ne bénéficiant que d’instruments pneumatiques ou électromécaniques, de ne pas pouvoir récupérer directement les informations propres à la machine : lecture des cadrans, des divers contrôles et jauges, informations radio etc… Mais, tel fut notre choix.

C’était déjà bien et passablement révolutionnaire. Pourtant, au bout de quelques années d’utilisation, nous ne pûmes nous empêcher de penser à mieux, d’imaginer avoir accès à d’autres fonctions de viser davantage d’autonomie à bord.

Soundflyer, vers la version 2

Un simulateur Soundflyer 1.5

Entre les deux versions « embarquées », SF-1 et SF-2, il en exista une que nous pourrions qualifier « d’intermédiaire », ou de 1.5.

Elle nous mobilisa d’octobre 2008 à la mi 2009 et prit forme grâce à l’opiniâtreté de Vincent, un jeune ingénieur en informatique totalement bénévole, chez qui, Franck et moi passâmes d’innombrables soirées souvent prolongées fort avant.

Au bout de plusieurs mois, Vincent réussit à intégrer le logiciel Soundflyer sous Windows sur un PC portable. Il le développa en tant qu’ad on de Flight Simulator, ce qui avait pour but qu’un maximum des membres de notre association puisse, à terme, en bénéficier sur son PC personnel, pour jouer ou pour s’entraîner.

Cela simplifiait singulièrement le transport, la mise en œuvre et également la logistique autour de l’utilisation de notre simulateur de vol.

08. Simulateur SF-1.5 sur salon AUTONOMIC 2012

 

Malheureusement, en raison d’événement personnels, cette aventure ne put être poursuivie, et la version 1.5 se limita à un seul exemplaire de simulateur de vol.

 

 

Mais tant qu’à faire à être singulièrement allégée, cette version 1.5 s’enrichit d’un « intercom » avion et de deux casques aéronautiques ce qui, en plus de faire beaucoup plus « sérieux’ » avait l’avantage, dans les ambiances bruyantes des salons, de nous permettre de travailler dans un calme relatif.

Le SF-2

Dans sa version 2, développée depuis 2015 par Thomas et Pierre de l’entreprise SyNext de Saint-Rémy-de-Provence et actuellement en service dans notre association, le SOUNDFLYER a consolidé les acquis de sa version 1.

Mais s’y sont adjoints de nombreux apports complémentaires :

09. SOUNDFLYER v-2, vue d'ensemble

 

Un transport et une manipulation facilités

10. Limoges SF-2 dans la main de Franck
  • Nous sommes en effet passés des presque six kilos du SF-1 aux neuf-cent grammes du SF-2.
  • L’installation à bord fut grandement facilitée par une nette réduction du nombre et du type de ses connectiques.

D’avantage de convivialité

  • Par l’introduction dans le système informatique d’une véritable synthèse vocale, et non plus de fichiers .wav préenregistrés ce qui, au plan des informations demandées et des fonctions développées ouvre des possibilités quasi infinies.
  • Par une indépendance totale vis-à-vis de l’aéronef, tant au plan de son alimentation électrique que concernant l’intercom de l’avion.
11. SOUNDFLYER v-2, unité secondaire équipée

 

 

Par un bilinguisme Français/Anglais du dispositif, et récemment italien.

  • Par la mise en place de deux sorties audio, permettant à l’instructeur de pouvoir lui aussi bénéficier des informations sonores afin de comprendre à quoi réagit (ou non) son élève.
  • Par une réactivité pratiquement instantanée par rapport aux changements d’attitude de l’avion (beaucoup moins d’inertie que dans la version 1, donc réactions plus appropriées du pilote aveugle).
  • Par une compatibilité de cette version 2 du SOUNDFLYER, avec le logiciel de préparation et de suivi de navigation MACH7.
  • Et par la possibilité, pour l’instructeur ou le pilote accompagnateur valide, de connecter une tablette numérique, de manière à pouvoir interagir avec SOUNDFLYER v-2, par exemple, modification de la route à suivre en fonction des paramètres réels du vol (météo, fermeture de piste, etc…).

Informations de vol et instrumentales

  • En virage, défilement automatique des routes se substituant à toute autre information, à partir de 10° d’inclinaison maintenue, avec rappel régulier de la route de sortie si celle-ci a été programmée dans le GPS (route à suivre).
  • Des « routines » automatiques activables à la demande : énonciation des informations principales indispensables en fonction de la phase de vol (décollage, croisière, approche d’un aérodrome, vol en planeur), très analogues au « circuit visuel » opéré par le pilote valide.
  • Un altimètre barométrique permettant d’ajuster la pression et de régler l’altitude « QNH » ou la hauteur/sol « QFE » conformément à celles de l’avion. Il nous est également possible d’afficher le calage standard 1013 et de voler en niveau.
  • Au décollage, après saisie du QFU précis « orientation par rapport au Nord » de la piste, il existe un dispositif sonore de guidage permettant au pilote aveugle ou malvoyant de garder son axe de piste. Grâce à l’information de vitesse sur trajectoire, il peut apprécier sa vitesse de rotation « vitesse à laquelle il peut commencer à tirer sur le manche pour décoller son avion », puis conserver son axe durant la montée initiale.
12. SOUNDFLYER v-2, clavier

Navigation

Accès vocal à la base de donnée de tous les aérodromes de France, avec :

>Identification de tous les aérodromes présents autour de l’aéronef dans un rayon de 20 nm « environ 40 km », et possibilité de sélection de l’aérodrome de destination (cf. déroutement) ;

> Puis annonce de la « verticale terrain », et proposition (avec sélection) des divers QFU « sens de piste » disponibles pour l’atterrissage.

Le simulateur de vol SF V-2

Lui aussi a passablement évolué.

 

Tout d’abord, il n’utilise plus Flight Simulator, mais le logiciel de simulation X-Plane, dont les « modèles de vol » sont bien plus réalistes. Ensuite, par le truchement d’une petite interface développée par SyNext, il nous suffit de connecter Soundflyer V-2, celui que nous utilisons en vol, au PC par une simple prise USB. Ainsi, Soundflyer vient-il simplement prendre ses informations de vol et de navigation auprès d’X-Plane, et il réagit comme il le ferait en vol réel.

Et aujourd’hui,

où en sommes-nous?

 

 Notre association est en possession de deux exemplaires de présérie du SF-2. Des ajustements restent à opérer sur certaines de leurs fonctions, et il conviendra de sécuriser certains aspects de leur robustesse.

Portrait de Maïté à l'avant d'un cockpit ouvert, au parking sur un ciel dégagé.

Malheureusement, la période que nous traversons a été fatale à l’entreprise SyNext, et nous sommes à ce jour orphelin de partenaire technique pour achever la mise au point et fabriquer la première « série » d’appareils.

Pour ce faire, des solutions existent, bien entendu, mais pour les concrétiser, il manque à notre trésorerie environ 100 000 €. Or, si de façon sincère de nombreuses personnes ou pilotes sont capables de s’enthousiasmer pour le projet et l’appareil, à ce jour, bien peu nous ont proposé d’abonder la cagnotte.

 

Alors, si après avoir partagé cette extraordinaire aventure technologique et humaine au travers de ces lignes vous voulez, avec nous, relever le défi du SOUNDFLYER v-2, rejoignez sur ce site notre page HelloAsso!

Stage planeur, vue en vol depuis le cockpit