Naissance d’un projet

Il s’agit d’un projet familial, mené par Noémie (17 ans) et Damien THIERRY (19 ans), mais leur maman, Isabelle, n’y est pas étrangère, quoi qu’elle en dise.
Ce projet a pris corps au FABLAB toulousain ARTILECT : association collaborative à l’intérieur de laquelle les gens viennent avec leur projet, et où les membres s’entraident à leur réalisation. « C’est avec Jean-Michel ROGERO, ingénieur AIRBUS et responsable de la section drone au Fablab, que nous avons appris tout ce que nous savons aujourd’hui sur les drones. Il nous a fait confiance et nous a longtemps accompagné dans ce projet ».

 

C'est la découverte par un utilisateur du dispositif: debout, l'appareil se manie par des commandes à la main. Celles-ci sont disposées sur une sorte de plateau calé sur le ventre et soutenu par des lanières portées en bretelles

 

« C’est lors d’une journée grand public d’initiation au pilotage des drones, que s’est présentée à nous une personne handicapée qui n’a pas pu piloter en raison de son handicap. C’est la rencontre avec cette personne et sa difficulté qui a été le point de départ de notre envie d’adaptation du pilotage de drones à tous types de handicaps. Nous y avons été aidé par une psychomotricienne et une ergothérapeute, jusqu’au moment où nous nous sommes aperçus que le handicap visuel avait été totalement oublié » me racontent Damien et Noémie. Et c’est là que prend naissance ma rencontre avec cette équipe.
Suite à de premiers contacts par téléphone, j’ai été convié, le mardi 9 février 2021, à venir expérimenter le pilotage et les adaptations mises en œuvre à l’ENAC : Ecole Nationale de l’Aviation Civile de Toulouse.

 

RDV ENAC du mardi 9 février 2021.

 

La rencontre a eu lieu dans la « volière » de l’ENAC, sorte de gymnase dédié au vol des drones, entouré de filets de sécurité et dont le sol est garni de tatamis pour amortir les crashs. Anke BROCK et Jérémie GARCIA, enseignants/chercheurs qui suivent et coachent le projet nous y ont accueilli, ainsi que Vinitha, leur stagiaire américaine.
J’ai tout d’abord été convié à explorer, par le toucher, les différents modèles de drones dont nous allions nous servir, du plus gros (surface tenant sur une assiette de bonne taille) au plus petit (tenant sur la surface de la main). Puis on me mit entre les mains les différentes télécommandes disponibles, mais nous n’allions pas nous en servir aujourd’hui. Enfin, on m’installa sur les genoux une « table » munie de 4 immenses flèches, sorte de télécommande simplifiée destinée aux personnes à motricité manuelle limitée, et cet avec cet équipement que j’allais me familiariser avec le système.

 

Patrice, en pleine découverte du drone: debout, de face, le pilote parcourt de ses doigts les commandes de l'appareil (qui tient dans la main et est constitué d'un corps tubulaire et de deux ailes horizontales)

 

Après de nombreux essais et un après-midi fort agréable, voici mes observations :

  • Tout d’abord, pour nous, déficients visuels ou aveugles, le seul moyen actuel de situer un drone dans un volume donné est l’ouïe.
  • Donc, les conditions acoustiques du lieu d’expérimentation sont primordiales et, si elle est parfaitement adaptée au vol des drones et essais « indoor » en tout genre, la « volière » de l’ENAC, vu ses dimensions, souffre de nombreuses réverbérations en tous genres. Ce lieu n’est pas vraiment adapté à notre pratique.
  • De ce fait peut-être, le drone de plus grande dimension, au bruit plus grave, est mieux localisé dans ce volume, alors que les plus petits, à la « voix » plus aigüe, génèrent de nombreux échos très perturbants.
  • Si le contrôle et la maîtrise du déplacement des engins que j’ai pu expérimenter ne pose pas vraiment de problème dans leur translation droite/gauche, elle est plus difficile à percevoir dans sa dimension haut/bas. Quant au paramètre avant/arrière (rapprochent/éloignement), c’est de loin celui qui pose le plus de difficultés de perception et les membres de l’équipe durent bien souvent aller décrocher les appareils que je tentais d’apprivoiser, du filet de sécurité le plus éloigné.

En conclusion : si la pratique du pilotage de drone « indoor » revêt, selon moi, un attrait ludique incontestable pour des personnes aveugles ou fortement malvoyantes elle suppose, outre un apprentissage qui peut être assez long suivant les personnes, des conditions acoustiques bien particulières qui ne sont pas forcément aisées à rassembler. De plus, on portera une attention toute particulière au choix des engins utilisés : qualités acoustiques et vitesse de déplacement dans l’espace si cela est possible. Enfin, au moins pour la phase d’apprentissage, on préfèrera un déplacement lent, ou rendu lent par séquençage de celui-ci comme cela a été réalisé pour l’un des modèles qui m’a été proposé.

Quant à l’utilisation de drones à l’extérieur par des aveugles ou des malvoyants profonds, cela supposerait des moyens de localisation ne répondant plus à la seule perception acoustique de l’engin dans un volume délimité.

 

Dimanche 14, CUGNAUX, gymnase Michel JAZY 14h.

 

J’avais été convié par l’équipe du projet « Dronons tous ensemble » à un après-midi dédié à l’association ELHEVA, association de personnes avec handicap. Le but de cette association, fondée par des parents de personnes « tous handicaps », est de favoriser la pratique et le partage d’activités très diverses au sein de la famille, entre personnes porteuses de handicap et valides.

J’y rencontrais surtout des personnes atteintes de troubles moteurs, mentaux et cognitifs parfois associés, et pus juger de l’adéquation des solutions mises en place, toujours autour du pilotage des drones, afin de répondre aux diverses problématiques.

Pour mon compte, j’expérimentais à nouveau le pilotage à l’aide de la « touchtab », dont je m’étais déjà servie dans la « volière » de l’ENAC. Ce dispositif, particulièrement destiné aux personnes atteintes de troubles physiques ou cognitifs important, se présente sous la forme d’une table adaptée aux configurations d’un fauteuil roulant, et ne comportant que quatre flèches directionnelles. Pilote placé face à l’un des murs du gymnase, les déplacements du drone ne peuvent s’effectuer que dans deux dimensions : de droite à gauche et inversement, et de bas en haut. De ce fait, la configuration de l’espace ne comportait qu’une profondeur d’environ cinq mètres, le déplacement avant/arrière étant exclu.

 

Vue du dispositif touchtab: les mains de l'utilisateur sont posées à plat sur une table ; cette dernière est recouvertes d'éléments en légers reliefs: l'empreinte des deux mains puis quatre flèches : l'une se dirigeant vers l'utilisateur, l'autre devant lui, puis deux désignant les côtés.

 

Constatation

  • Malgré l’ambiance très joyeuse et plutôt bruyante du gymnase, cette disposition m’a singulièrement facilité les choses, et j’ai pu m’y amuser dans une relative autonomie celui-ci n’excluant nullement l’appui sur deux flèches à la fois, et donc des déplacements dans les diagonales.
  • La proximité du mur face auquel évoluait le drone me renvoyait le son de ses déplacements sans trop de distorsions, me facilitant son suivi auditif.
  • Plus j’opérais ces déplacements en hauteur (entre quatre et six mètres), et plus ceux-ci étaient aisés à suivre dans la mesure où le son m’était également renvoyé par le plafond du gymnase.
  • Enfin, cerise sur le gâteau, dans la mesure où le faîte du mur comportait, sous le plafond, une série de vasistas, il m’arrivait de percevoir visuellement la silhouette du drone lorsque je faisais évoluer celui-ci devant ces vitrages.

Alors, si les recherches sont loin d’être achevées concernant la possibilité de pilotage d’un drone par des personnes aveugles ou très malvoyantes, je pense sincèrement que, dans certaines conditions bien précises, celui-ci est possible.

 

Le dispositif vu par-dessus l'épaule d'un usager: semblable à une manette de console de jeux vidéo, deux joystick très longs sont à manier

 

Une adresse mél pour joindre la sympathique équipe de « Dronons tous ensemble » :
easycap31@gmail.com

Patrice RADIGUET.